Germaine

Dans un couple, la Québécoise qui prend toutes les décisions.

« En bon québécois, on emploie l’expression germaine pour décrire une femme autoritaire. Le calembour est amusant : elle gère et elle mène. Haha. Mais c’est rarement un compliment. La germaine est souvent accusée de dominer son conjoint, ses enfants, ses collègues*. » (Aucun lien avec les cousines germaines, qui ont en commun au moins un grand-parent.)

Germaine fait allusion à la famille québécoise traditionnelle, où la femme exerçait l’autorité à la maison dès que le père s’absentait pour le travail. Les traditions familiales se transmettaient de mère en fille, ce qui a fait dire à plusieurs que la famille québécoise est « matriarcale ». La journaliste Lysiane Gagnon, par exemple : « Le Québec profond était, avant la révolution féministe, une société matriarcale, où la femme dominait complètement son mari dans la sphère familiale ; elle était souvent plus instruite que lui ; elle régnait sur le foyer (et sur le budget familial) ; gagne-petit au travail, le mâle canadien-français n’avait de pouvoir sur rien. Il finissait par être infantilisé au même titre que les enfants et par appeler sa femme “maman”**. »

En réalité, le Québec traditionnel avait toutes les caractéristiques d’une société patriarcale : les pères de famille transmettaient leur nom à leurs enfants, déléguaient l’autorité à leur épouse tout en conservant le dernier mot dans la sphère familiale, et la politique, l’économie, l’Église étaient dominées par les hommes. Les mères de famille n’avaient d’influence que dans leur… famille. « Au temps de nos grands-parents et de nos arrières-grands-parents, je ne dirais pas qu’il y avait un véritable matriarcat, mais dans les familles terriennes, les femmes avaient beaucoup de pouvoir. Les hommes partaient aux chantiers, ils étaient comme des étrangers dans la maison », rappelle l’anthropologue Serge Bouchard. « Dans cette société traditionnelle, les femmes géraient le budget domestique. Elles éduquaient les enfants et souvent, elles savaient mieux lire et écrire que leur mari***. »

Blague typiquement québécoise : « Au Québec, une Germaine vit avec un Gérard, pour “j’ai rarement pris une décision”. »

*Lanthier, Christiane. « Pour ou contre les germaines ? », Jobboom, 13 mars 2014 — lien.
**Gagnon, Lysiane. L’esprit de contradiction, Montréal, Boréal, 2010, p. 117.
***Mario Proulx (dir.). La planète des hommes, Montréal, Société Radio-Canada/Bayard Canada Livres, 2005, p. 24.