Les Québécois ont l’habitude d’utiliser le mot abus pour agression sexuelle, abusée ou abusé pour désigner la victime et abuseur pour l’agresseur. Tous ces abus sont des anglicismes, de sexual abuse.
« Usité d’abord par les travailleurs sociaux, les psychologues, etc., cet emploi s’est répandu dans la langue générale », note le Dictionnaire historique du français québécois.*
« Deux victimes d’un abuseur qui offrait des bonbons aux petites filles pour les attirer sont sorties du placard 40 ans après les événements et ont finalement obtenu justice** », rapporte un journaliste.
Selon la théorie de l’abuseur abusé, un homme victime d’agression sexuelle dans son enfance deviendra un agresseur à l’âge adulte.
Ø La langue française québécoise abuse du mot abus. En effet, un abus n’est pas nécessairement une agression, un crime : on peut abuser de la nourriture, abuser de la patience ou de la générosité d’autrui, etc. « En fait, abuser de quelqu’un, ce peut être aussi bien financièrement*** », indique un spécialiste de la langue française. Le dictionnaire Le Robert évoque l’abus d’alcool, l’abus de pouvoir, l’abus de confiance et l’abus sexuel. Mais au Québec, le terme abus « n’a pas le sens, courant partout, d’avoir été eu. Désigne généralement une forme de viol**** », souligne le professeur de littérature Benoît Melançon, auteur du Dictionnaire québécois instantané. Et dans certaines situations, l’usage inconsidéré de l’abus sexuel est douteux, notamment en ce qui concerne les enfants : l’expression abus sexuel sur enfant, bête traduction de l’anglais child abuse, laisse-t-elle entendre qu’il existerait une sexualité non abusive entre un adulte et un enfant ?
À souligner, le vocabulaire de l’agression sexuelle en français québécois est farci d’anglicismes :
- Les Québécois utilisent l’expression assaut sexuel (sexual assault) au lieu d’agression sexuelle.
- Autre anglicisme en usage au Québec, notamment dans les affaires judiciaires : maniaque sexuel (sex maniac), synonyme d’obsédé sexuel.
- Les Québécois emploient assaut indécent et grossière indécence (de l’anglais gross indecency) plutôt que l’expression outrage à la pudeur, qui serait plus appropriée. (Le saviez-vous, l’indécence n’est pas nécessairement un crime. Un vêtement peut être indécent.)
- Ils ont également l’habitude de nommer prédateur sexuel un récidiviste de l’agression sexuelle, bien que la prédation appartienne plutôt à l’univers des animaux sauvages.
- Enfin, l’expression violence faite aux femmes ne tient pas debout, sur le plan de la syntaxe. Il faudrait dire et écrire violence contre les femmes.
⇒Frères mets ta main ⇒Furtivage ⇒Groomer, grooming ⇒Mononcle ⇒Taponner
*Vézina, Robert, et Poirier, Claude (dir.). Dictionnaire historique du français québécois, 2e édition revue et augmentée, Université Laval — lien.
**Lemelin, Serge. « Deux victimes d’un abuseur obtiennent justice après 40 ans », Le Quotidien, 12 mai 2005, p. 10 — lien.
***Chouinard, Camil. 1 500 pièges du français parlé et écrit. Nouvelle édition augmentée, Montréal, La Presse, 2007, p. 10.
****Melançon, Benoît. Dictionnaire québécois instantané, Saint-Laurent, Fides, 2004, p. 11.