22 octobre 2022

FAQ : l’épouse idéale en 1875

Par Jean-Sébastien Marsan

(Article publié à l’occasion de la sortie de l’ouvrage Histoire populaire de l’amour au Québec, tome III.)

Extraits de l’ouvrage de Madame G. D’Uzès, Livre des dames. L’art de se faire aimer de son mari. Le guide des ménages, Montréal, éditeur inconnu, 1875, p. 3-16.

Avertissement : le texte ci-dessous est antérieur à l’apparition du mot « féminisme » au Québec. À l’époque, les femmes n’étaient même pas des « personnes » au sens de la loi. Prenez une bonne respiration avant de commencer votre lecture.


D. Que faut-il faire pour avoir un bon mari ?

R. Etudier avec soin le caractère de l’homme qui vous fait la cour pour vous épouser. C’est autant l’affaire des parents que des demoiselles, car l’homme qui cherche à plaire dissimule avec grand soin ses défauts, et ce n’est qu’après l’union consommée qu’il laisse tomber le masque.

D. Le mariage est donc une loterie ?

R. Presque toujours dans l’état actuel de nos mœurs.

D. Quand il vous est échu un bon numéro, c’est-à-dire un bon mari, n’a-t-on plus rien à faire qu’à se laisser aimer ?

R. Il faut savoir conserver ce bien que vous a donné le ciel. Pour cela, le point essentiel est de ne pas laisser s’engendrer dans son ménage la monotonie qui fait naître l’ennui et pousse l’homme à chercher au dehors des distractions.

D. Comment éviter cette monotonie ?

R. Se soustraire aux trop longs et trop fréquents tête-à-tête ; ne pas continuellement accabler son époux de caresses. Pour lui témoigner votre amour, vous avez toute la vie. Soyez ménagères de la tendresse, qui s’épuise comme toute chose ici-bas, et gardez, dans une juste mesure, votre pudeur, votre susceptibilité de jeune fille.

D. Pour prolonger la durée de la lune de miel, que faut-il faire encore ?

R. Ne dévoiler que peu à peu les qualités, les talents que l’on possède et causer ainsi de temps en temps au mari d’agréables surprises ; se mettre avec goût, varier autant que possible sa coiffure, sa toilette. Un grain de coquetterie ne messied pas et flatte toujours un homme. Faire régner sur soi comme dans son ménage la plus exquise propreté. La femme étant la fée du logis, il faut aussi que le mari s’aperçoive le moins possible de ce qui la rattache aux obligations de l’humaine nature.

D. Une femme doit-elle empêcher son mari de recevoir des amis ?

R. Non, parce qu’il pourrait aller les trouver ailleurs et finir par se déplaire à la maison. La femme doit, au contraire, faire bon accueil aux amis de son mari, afin qu’ils félicitent celui-ci d’avoir fait un bon choix. S’il s’en rencontre dont le langage ne soit pas convenable, elle se renfermera dans sa dignité, mais sans montrer d’humeur. Quand ils seront partis, elle avertira son mari en lui représentant avec douceur les inconvénients de cette fréquentation.

D. La femme refusera-t-elle de suivre son mari dans les endroits ou dans la société où il voudra la mener ?

R. Jamais. S’il la conduit par exemple à la promenade, et qu’elle n’en ait pas le goût, ce qui est rare, elle feindra d’éprouver un grand plaisir. Elle agira de même pour un bal, car si son époux s’apercevait qu’elle s’y ennuie, il pourrait y aller sans elle et y faire des connaissances qui peut-être le détourneraient de son ménage. Quant aux réunions, elle aura toujours l’air de s’y plaire. S’il en était qu’il lui parût dangereux de fréquenter, elle l’observerait à son mari de telle manière que l’idée de ne plus y retourner eût l’air de venir de lui.

D. Est-il convenable que dans le ménage ce soit la femme qui commande ?

R. Non. Si bon que soit avec elle son mari, la femme ne doit jamais s’en autoriser pour usurper le commandement, la direction de la communauté. Les ménages où la femme porte, comme on dit, les culottes, sont peu estimés, et l’épouse doit tenir à ce que son mari jouisse d’une considération qui rejaillit sur elle. Le nom de son mari est aussi le sien. Désire-t-elle quelque chose ? Elle l’obtiendra par la puissance de la douceur et de la persuasion, à laquelle la force même obéit.

D. Une femme doit-elle se mêler des affaires de son mari ?

R. Elle doit attendre que son mari les lui confie et alors se montrer un auxiliaire actif, intelligent, dévoué, mettant au service de l’intérêt commun cette finesse de sensation qui la rend plus perspicace que l’homme et lui fait souvent prévoir, par une sorte d’intuition, des événements qui échappent à celui-ci.

D. Quelle conduite doit tenir une femme qui a un mari avare ou qui semble vouloir tomber dans l’avarice ?

R. Elle doit la pousser à son tour si loin, et simuler une telle joie, que ce soit son mari qui insensiblement quitte sa propension à cette avarice et finisse par la contenir dans les limites d’une raisonnable économie.

D. Quelle sera la conduite d’une femme dont le mari s’adonne à la prodigalité ?

R. Il lui faut une grande fermeté pour ne pas se laisser entraîner à ce penchant afin de se livrer au goût de la toilette et des plaisirs naturels au beau sexe. Elle résistera modestement à toutes les séductions, prêchera d’exemple par son économie, s’efforcera de retenir son époux en lui rendant agréable l’intérieur du ménage et en lui procurant des distractions peu coûteuses.

D. Comment doit agir une femme qui reçoit de mauvais traitements de son mari ?

R. Il est bien rare qu’un homme, si violent qu’il soit, se mette en colère sans quelque raison, ou au moins sans quelques prétextes. Sa femme s’étudiera à ne lui en donner aucun. A ses emportements, elle n’opposera que le calme et la résignation, et surtout elle évitera de le contredire. Si par malheur l’épouse était frappée, qu’elle ne se plaigne à personne, qu’elle garde comme un secret son chagrin. En voyant la trace de ses larmes, sa muette douleur, le mari brutal aura honte de lui-même et finira par se corriger.

D. Que doit faire une femme dont le mari est jaloux ?

R. Se bien garder de donner, même par plaisanterie, le moindre aliment à un défaut qui peut devenir une passion terrible ; témoigner à son mari la plus entière confiance et lui rendre compte, sans eu avoir trop l’air, de ses actions les plus indifférentes ; se montrer très-réservée vis-à-vis des amis de son époux et de tous les hommes en général.

D. Comment se conduira une femme qui s’est aperçue de l’infidélité de son mari ?

R. L’épouse trompée a deux moyens de punir le coupable ; s’emporter, l’injurier, l’accabler de vifs et cuisants reproches, ou le plaindre, le chérir et se résigner. Avec le premier on éloigne un mari ; on l’expose à récidiver, à devenir libertin ; on le perd et souvent on se perd soi-même. L’autre moyen peut le ramener, en lui faisant sentir plus profondément sa faute. Le dernier est seul bon, s’il n’est pas infaillible.

D. La femme qui trompe à son tour un mari qui l’a trompée est-elle excusable ?

R. L’idée de punir une infidélité coupable par une infidélité criminelle, de suivre méchamment un mauvais exemple pour ramener son époux, ne peut entrer que dans l’esprit d’une femme peu chrétienne, folle ou dépravée. Quoique en apparence les torts soient les mêmes, il existe entre les uns et les autres une disproportion sans mesure. Les lois qui punissent la femme adultère sont faites par les hommes, il est vrai, mais les hommes n’ont pas pu être injustes depuis vingt siècles. Quelles terribles conséquences produisent les désordres d’une épouse ! la honte, l’avilissement d’un mari ! des enfants étrangers introduits dans sa maison et devant partager un jour, avec des fils légitimes, les biens amassés par ses travaux. Ses sueurs, ses sacrifices, ses privations ! Non, elles ne sont point injustes les lois qui couvrent d’ignominie la femme adultère. Conservatrices des mœurs, ces lois sont également la sauvegarde de la paix, de l’honneur, du bien-être, du repos des familles.

D. Quelles sont en résumé les qualités qui font une bonne femme ?

R. La première de toutes, est la douceur. Quand s’y joignent la sobriété, la propreté, l’esprit d’ordre sans avarice, on est assuré de faire une bonne maison. Mais ce qui couronne tout cela, ce qui est la pierre d’achoppement de cette quiétude conjugale, c’est certes, et avant tout, le stricte accomplissement de ses devoirs religieux, sans lesquels la vie est un abîme d’incertitudes, de regrets, de malaise, que rien ne saurait combler.

D. Quelles sont les choses qu’une femme me doit surtout éviter ?

R. Les mauvaises fréquentations, les mauvais conseils, les caquets, le voisinage. Elle choisira bien ses amis, en aura peu et se gardera de les initier aux secrets de son ménage. Elle évitera de blesser en rien l’amour-propre de son mari. A-t-elle plus d’esprit que lui ? elle aura l’air de l’ignorer. En un mot, une femme doit rendre sa société tellement douce à son mari, qu’il ne puisse pas s’en lasser, et que, même hors de la maison, il ne goûte aucun plaisir s’il ne le partage avec elle. C’est en même temps un doux devoir et de son intérêt d’en agir ainsi.

LES DIX COMMANDEMENTS DE LA FEMME

l. Ton mari seul tu chériras, Ainsi que Dieu parfaitement.

2. A lui seul tu rapporteras, Tes actions, tes sentiments.

3. Dans tous ses maux le soigneras, Dans ses chagrins pareillement.

4. Sur son honneur tu veilleras, Comme sur le tien constamment.

5. Sans lui jamais tu ne feras De voyages trop longuement.

6. Par douceur le ramèneras S’il a quelque mauvais penchant.

7. Pour lui chaque jour tu sauras Bien soigner ton ajustement.

8. Voisin, voisine éviteras, Propos, conseils, langue qui ment.

9. De ton ménage tu feras Un paradis doux et charmant.

10. Et bonne mère tu seras, Si Dieu te donne des enfants.