Souvenir pornographique

Par Jean-Sébastien Marsan (28 septembre 2009)

Je n'ai pas oublié mon premier contact avec la pornographie, au début des années 1980. J'avais 12 ou 13 ans. La scène s'est déroulée chez un ami, en l'absence de ses parents. Un magazine cochon traînait dans le salon (probablement un oubli de la part des parents), périodique soft du genre Playboy. Un choc. Oui, je le dis sans exagérer : mon ami et moi, nous étions soufflés.

La publication sur papier glacé était illustrée de photos de femmes nues de la tête aux pieds, la poitrine et le pubis dénudés, ou encore les fesses à l'air, dans diverses mises en scène (sur la plage, sur le pont d'un yacht, sur des draps de satin rouge, etc.). Stupéfaction : la nudité intégrale !

Avec mon ami, conversations gênées sur les diverses caractéristiques et fonctions du corps de la femme, spéculations à n'en plus finir, questions sans réponses. Nous étions envahis par un mélange de curiosité et de culpabilité, d'excitation et d'angoisse. Il faut dire que l'éducation sexuelle de l'époque ne nous avait pas appris grand-chose (le premier véritable programme d'éducation sexuelle, dans les écoles primaires et secondaires du Québec, a été implanté un peu plus tard, en 1985).

Ainsi, mon ami et moi-même, deux garçons à peine pubères, nous contemplions longuement plusieurs photos montrant des demoiselles entièrement nues. Nous étions excités comme des taureaux en rut, il va sans dire. Tsunami de fantasmes. Et pourtant, le contact avec des créatures du sexe opposé était alors à la limite de notre entendement, nous étions difficilement capables de concevoir les détails d'une relation sexuelle, les préliminaires, l'acte, ce qu'il faut dire à la madame pour qu'elle glousse d'excitation, etc.

Surtout, nous n'imaginions pas qu'il puisse exister un au-delà de ce que nous pouvions voir dans le magazine cochon. Notre compréhension du sexe s'arrêtait à ces images de nudité, les seules qui étaient accessibles à l'époque (âgés de 12 ou 13 ans, il nous était impossible d'acheter des publications hard core en kiosque ou de fréquenter les salles de cinéma XXX, réservés aux clients de 18 ans et plus).

Cette anecdote est somme toute banale. Tous les ados du monde, full hormones, sont très curieux de la sexualité. Il est normal que les images de nudité les excitent au plus haut point, nourrissent leurs fantasmes, leur imaginaire.

Vingt-cinq ans plus tard... Les adolescents n'ont pas changé, ils sont toujours aussi full hormones. La pornographie, pour sa part, est devenue une énorme industrie complètement démocratisée, peu coûteuse ou gratuite (notamment sur Internet). La pornographie hard core, beaucoup plus dégradante et violente et que la porno grand public d'il y a 25 ans, est maintenant très accessible, entrée dans les moeurs, et elle contamine tout : la publicité, les vidéo-clips, les magazines dits féminins, les jeux électroniques, etc. En comparaison, un Playboy de 1983 nous semble innocent et candide.

Le premier contact avec la pornographie surgit dès l'âge de 11-12 ans, parfois plus tôt, indiquent toutes les études menées auprès des adolescents. Autrement dit, à la découverte des représentations de la sexualité peut correspondre à une pornographie des plus hard. L'éducation sexuelle à l'école, pour sa part, est quasi inexistante (le programme formel implanté au Québec en 1985 a disparu au début des années 2000), et bien des parents se sentent dépassés.

La consommation de porno à un si jeune âge influence forcément les fantasmes, les premiers contacts sexuels, ainsi que les comportements de séduction. Peu de gens en parlent sur la place publique, à l'exception de la sexologue bien connue Jocelyne Robert (voir notamment son essai Le sexe en mal d'amour, 2005) ou encore la sexologue moins connue Valérie Morency, qui a signé l'an dernier un livre intitulé La vie porno de nos ados.

Et vous, votre premier contact avec la pornographie... c'était quand ? et comment ?


Page d'accueil | info@ladrague.qc.ca