Louise Masson, consultante en étiquette des affaires
Par Jean-Sébastien Marsan (14 septembre 2009)
Voici le troisième billet d'une série consacrée à quelques spécialistes rencontrés entre 2007 et 2009 pour notre livre Les Québécois ne veulent plus draguer. Ces personnalités jouent un rôle important au Québec dans l'élaboration d'un nouvel ordre amoureux.
Aujourd'hui : Louise Masson, consultante en étiquette des affaires..
Louise Masson a eu un parcours hors de l'ordinaire. Dans les années 1960, elle quitte le Québec pour suivre des études de géographie à La Sorbonne. Elle entame sa carrière de géographe au Maroc. Quelques années plus tard, elle devient de sous-chef du protocole des affaires étrangères du roi du Maroc Hassan II, rien de moins Mariée à un diplomate, Louise Masson fait de la planète son terrain de jeu. De retour dans la région de Montréal au début des années 1990, elle fonde Beaux Gestes, un service d'étiquette sociale et professionnelle, nationale et internationale.
Nous l'avons rencontrée en mars 2007 pour discuter étiquette et savoir-vivre. Voici quelques extraits inédits de cette entrevue.
Louise Masson : J'ai vécu dans plusieurs pays, et je peux vous dire que le Québec est la société où le dialogue entre un homme et une femme est le moins possible.
Question : Pourquoi ?
Réponse : Je vais vous répondre en racontant une anecdote extrêmement typique dont j'ai été témoin, il y a trois semaines. Une femme suivait un homme dans un immeuble. Cet homme est sorti de l'immeuble en tenant la porte à la femme. Au lieu de le remercier, elle lui a dit : "Est-ce que vous m'avez tenu la porte parce que je suis une femme ?" Il a répondu : "Non madame, je l'ai tenue parce que je suis un gentleman. Le comportement de cette femme, c'est typique.
Q. : Typiquement québécois ?
R. : Non, typiquement féminin québécois. En tout cas, il était beau ce gentleman-là, j'ai failli lui sauter au cou, mais comme je suis Madame Étiquette, j'ai dû retenir mes élans biologiques ! J'ai bien regretté par la suite ! [rires] Il était superbe. J'aurais aimé le féliciter d'une façon bien affectueuse... [rires]
Ici, les femmes sont frustrées, les femmes sont seules. Regardez la crise du logement à Montréal, un phénomène relativement nouveau. Avant, il y avait toujours des appartements à louer en quantité. Là, il n'y en a plus. Il y a trop de gens seuls. Des gens seuls qui n'ont pas choisi d'être seuls. Et qui vont draguer sur Internet.
Q. : Pourquoi les hommes et les femmes ne dialoguent plus ?
R. : D'abord parce qu'on ne sait plus converser chez nous. On a des répondeurs, des fax, Internet. On ne fait plus de phrases complètes sur Internet. Vous pensez que les gens qui chattent sur Internet sont des gens capables de faire du small talk ? Mais la beauté de la drague, c'est justement le small talk. Je crois que les gens qui ont de la conversation sont ceux qui ont le plus de succès.
Récemment, j'étais au Ritz à attendre quelqu'un, et il y avait une femme et un homme qui se trouvaient au bar. C'était évident qu'ils étaient seuls et qu'ils cherchaient à ne plus l'être. À un moment donné, la femme s'est approchée, les yeux éteints, et lui a dit : "C'est quoi ton signe ?" Il a répondu : "Devine !" Déjà, il y avait le "tu" ; c'est un coup de poing, le "tu"... La femme a dit : "Je l'sais pas, là... aide-moi un peu." Finalement, l'homme a fini par répondre : "Sagittaire." C'était misérable.
Q. : Il y a donc une lacune en communication.
R. : Énorme, é-nor-me, et ça prend tout son petit change pour séduire sans avoir peur. Il faut quasiment avoir une assurance-vie pour draguer !
La chose absurde, c'est qu'à la télévision, dans la rue, partout, on ne parle que de cul chez nous. Que de ça. Et pas enveloppé dans du papier de soie et des pétales de rose, non, que de la façon la plus vulgaire.
Les Québécois sont devenus craintifs à l'égard des femmes, de peur de se faire traiter de macho. Écoutez, les hommes d'aujourd'hui s'épilent les poils de la poitrine. La petite forêt ! Au Canada, on a besoin de fourrure, quand même ! [rires] À mon avis, avoir cette fourrure près de mon corps, c'est du luxe ; j'aime mieux ça qu'une peau d'ours ! [rires] Je trouve que les femmes ont rendu les hommes hybrides. Ça n'a plus de bon sens ce que font les hommes pour essayer de plaire aux femmes... Elles les qualifient d'hommes roses. Mais moi, tout ce je veux, surtout, c'est qu'il ne soit pas rose ! Je veux bien qu'il passe l'aspirateur, mais il doit le faire comme Tarzan !
Nous sommes une société hybride. On n'a pas trouvé l'équilibre homme-femme, ce que l'on veut et ce qu'on ne veut pas, ce qu'est un homme et ce qu'est une femme. Il faut que les deux sexes établissent une différence, que chacun respecte cette différence, et c'est dans cette différence qu'il y a une possibilité d'attraction.